Extrait récit : Emile J., 92 ans, ancien agriculteur
« Je suis foutou, mon avenir est foutu !», tels sont les mots de Maurice, désespérants à entendre. Sa réaction m’est tellement bouleversante. Il est si profondément blessé par cette situation que les conséquences en sont terriblement dramatiques. Trahi par sa sœur, que va-t-il devenir ? C’était à lui de reprendre la ferme, non pas à Raymonde. Elle l’a trahi et il en est meurtri. Quelle peine de le voir par la suite se laisser aller au fil des mois. Cela m’attriste tant d’assister à son déclin, sa déchéance. Sa barbe s’allonge de jour en jour, il ne se rase plus ; plus rien ne l’intéresse. Même sa promise qu’il fréquente n’y peut rien. Comme c’est effarant quand il dit à qui veut l’entendre « je mourrai à la l’âge du Christ ». Le médecin qu’il finit par consulter au bout de quelques mois, l’envoie d’abord à l’hôpital psychiatrique de Plougernevel ; il n’y a pas sa place. Finalement, il est interné à l’asile de Léon à Dinan. Il y restera trois ou quatre ans. Alors que je fais mon service militaire et que je passe une de mes permissions chez Louis à Kergrist, je décide d’aller lui rendre visite à Dinan. Cela fait quelques temps qu’il y est enfermé. Il ne parle pas, il ne me parle pas de toute cette journée passée ensemble, pas un mot. C’en est poignant. Il décède à trente-trois ans ! Comme il l’avait prédit… Et moi, à vingt-trois ans, j’ai perdu ma mère, mon père, et maintenant mon frère.
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